mercredi 25 juillet 2007

Manifestation à Paris 20e après le décès de Lamine Dieng, alors que la police était présente

La police des polices a ouvert une enquête tandis que la famille veut tout la lumière sur cette affaire.

17 juin dernier, Lamine Dieng, 25 ans, décédait dans des circonstances contestées par sa famille et le comité de soutien constitué autour de son décès, et qui réclame aujourd’hui que toute la lumière soit faite sur cette mort, alors que a police se trouvait sur place lors des événements.

Dimanche 24 juin dans le 20e arrondissement parisien, des centaines de manifestants (un millier selon les organisateurs de la marche silencieuse) étaient dans la rue derrière la famille de Lamine Dieng, avant de déposer une gerbe devant un hôtel rue de la Bidassoa, lieu où le jeune homme est décédé d’un arrêt cardiaque selon la police.

Bavure policière ou non assistance à personne en danger ?

Tôt dans la matinée du 17 juin, la police st appelé pour un différend conjugal entre Lamine et sa compagne dans une chambre de l’hôtel rue de la Bidassoa. Pour la police, ils auraient trouvé Lamine en état de démence dans la rue, et le jeune a par la suite été victime d’un arrêt cardiaque.

Cette version est contestée par la famille, qui n’aurait été prévenue de la mort de Lamine que plus de 3 heures après, non pas par la police, mais par la police des polices. Selon Ramata Dieng la sœur de la victime et porte-parole de la famille, alors que Lamine Dieng a été déclaré mort vers 4h30 dimanche 17 juin, ils n’auraient été prévenus que lundi 18 juin à 17 h 30, et n’ont vu le corps que le mardi 19 juin à 14 h.

La famille porte plainte contre X, et le MRAP apporte son soutien

Selon les informations recueillies auprès des proches, Lamine aurait opposé une certaine résistance aux policiers, avant d’être introduit de force dans le fourgon de la police. Sa famille souhaite aujourd’hui savoir comment lamine Dieng a pu entrer vivant dans le fourgon, et en ressortir mort. Surtout, comment expliquer que son corps soit resté soit resté plusieurs heures sur la voie publique.

Autant de zones d’ombre qui ont poussé la famille Dieng à porter plainte contre X, afin qu’une instruction soit ouverte, et que les proches de Lamine Dieng puissent avoir accès au dossier, mais surtout, faire toute la lumière sur cette mort où persiste un certain flou.

La famille Dieng, outre un large comité de soutien constitué autour d’elle, a aussi reçu le soutien du MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples) et dimanche, lors de la procession silencieuse, Mouloud Aounit le président du MRAP était parmi eux.

Le président du MRAP a aussi fait part de son intention de demander dès ce lundi un rendez-vous à Michèle Alliot-Marie la ministre de l’Intérieur et au Garde des Sceaux Rachida Dati. A noter aussi la réaction de Fodé Sylla, ancien président de SOS Racisme, actuellement membre du conseil économique et social.

Pour Fodé Sylla, le président de la République doit tout mettre en oeuvre pour que ses ministres de l’Intérieur et de la Justice apportent une réponse rapide à la famille de Lamine Dieng.

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dimanche 24 juin 2007

Marseille: l'adolescent renversé par la police entre la vie et la mort

MARSEILLE (AFP) - L'adolescent de 14 ans renversé samedi à Marseille par une voiture de police se trouvait dimanche entre la vie et la mort alors que des témoins mettent en cause les policiers en affirmant qu'ils sont passés au feu rouge sans avoir actionné leur sirène pour prévenir.
Le jeune garçon "est toujours dans un état grave. Le pronostic vital est engagé", a indiqué dimanche l'Assistance publique des hôpitaux de Marseille (APHM).

La collision s'est produite à un carrefour dans le quartier Saint-Joseph (14ème arrondissement), alors que l'adolescent traversait sur un passage piéton en poussant son vélo. Sous la violence du choc, la victime, qui se trouvait avec son grand frère et un ami, a été projetée à une vingtaine de mètres.

Selon des témoins, la voiture de police est passée au feu rouge, doublant sur la gauche un autre véhicule arrêté avant de heurter de plein fouet l'adolescent.

"Il y avait une voiture arrêtée au feu rouge. Le petit, il a attendu que le bonhomme soit vert pour traverser", a déclaré un témoin de la scène à la radio France Bleu Provence.

Selon ce témoin, les policiers n'auraient pas immédiatement porté secours à la victime, appelant d'abord des renforts. "La première chose qu'ils m'ont dite, c'est +on est passé au vert+. C'est pas vrai, ils sont passés au rouge", a affirmé ce témoin.

Interrogé par le quotidien régional La Provence, un voisin habitant juste en face du carrefour dit avoir entendu "un grand bruit" mais il n'a "pas de souvenir de freinage ni d'avertisseur sonore".

Le conducteur du véhicule, un sous-brigadier affecté dans le 15ème arrondissement et placé en garde à vue après l'accident, assure, lui, avoir mis le gyrophare avant de franchir le feu rouge.

Deux enquêtes ont été diligentées, l'une judiciaire déclenchée par le procureur de la République qui a saisi la sécurité publique, l'autre administrative menée par l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) à la demande de l'autorité ministérielle.

Bernard Squarcini, préfet délégué à la sécurité et à la défense, également préfet par intérim des Bouches-du-Rhône, "s'associe à la douleur de la famille" et s'est rendu dimanche matin "au chevet de la victime et de ses parents" en compagnie du directeur départemental de la sécurité, Pierre Carton, a indiqué la préfecture dans un communiqué.

Le sénateur-maire UMP de Marseille, Jean-Claude Gaudin, a quant à lui exprimé sa compassion à l'adolescent et à ses parents après ce "tragique accident", selon un communiqué de la mairie.

Garo Hovsépian, le maire des 13ème et 14ème arrondissements, qui s'est rendu sur place samedi, a souligné que ce carrefour était "très accidentogène", rappelant qu'un jeune homme de 20 ans y avait trouvé la mort en 2003.

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samedi 26 mai 2007

Libération


Eric Cohen, 46 ans. Cet artisan serrurier tente d'élucider les circonstances de la mort en 2004 de Mickaël, son fils graffeur retrouvé noyé après une poursuite avec la police.

Son mur des lamentations
Par Jacky DURAND

Eric Cohen affirme que, pour lui, «le mot deuil ne signifie rien». Dans les jours qui ont suivi la mort de son fils, il a enlevé toutes ses affaires, toutes ses photos du petit appartement de Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine). En trois ans, «il est allé deux fois au cimetière», dit Caroline, sa compagne. Pourtant, toute l'existence actuelle d'Eric Cohen est percluse par la disparition et le manque de Mickaël, 19 ans, noyé par cinq mètres de fond dans la Marne, le 10 avril 2004, sous les yeux de la police qui le poursuivait pour un tag sur un mur antibruit.

Il y a trois ans, au terme d'une première rencontre, on l'avait laissé figé dans l'attente infernale d'une reconstitution et des résultats de l'enquête de l'IGS (Inspection générale de services, la police des polices) sur la conduite de dix policiers mobilisés nuitamment pour interpeller deux grands adolescents tagueurs. Enfermé dans sa gangue de chagrin, avec son visage en lame de couteau, le cheveu ras, le poil dru. On retrouve cet artisan serrurier et cordonnier aujourd'hui au chômage, les mâchoires serrées, sentinelle sur le qui-vive de sa propre humeur, guettant un accès de rage ou une attaque de larmes. Il reçoit toujours dans sa cuisine en vous donnant du «monsieur», comme si vous étiez sur l'autre rive, celle des vivants dont l'existence n'a pas été «massacrée» parce que leur môme «a été traqué, débusqué comme du gibier de BAC [brigade anticrimnalité, ndlr] pour un gribouillis sur un mur». «Ils appellent ça un fait divers ; j'ai perdu mon gamin, c'est un fait divers», tempêtait le père trois mois après la mort du fils. Ce soir, il gronde encore, repoussant son assiette de tomates et de roquette pour ouvrir le dossier où sont consignés les faits.

Le 10 avril 2004, Eric Cohen s'est levé à 9 heures, découvrant la chambre vide de Mickaël. Le père savait que son fils taguait. «Je disais à Mickaël que taguer, c'était mal, que ça n'avait pas de sens de prendre le risque d'être poursuivi par la police. Il me répondait qu'il ne taguait pas les voitures, mais les murs le long des autoroutes.» Il a téléphoné à Hugo, avec qui Mickaël était parti taguer la veille. «Il m'a dit : "Il y a eu un bordel, on s'est fait courser par la police à Maisons-Alfort. Moi, je suis parti d'un côté, Mickaël est parti de l'autre."» Selon le récit du père, l'administration a été froide comme un tiroir de morgue quand elle lui a annoncé la mort de son fils. L'antithèse de cette modernisation de l'accueil dans les commissariats défendue par l'ex-ministre de l'Intérieur Sarkozy. «J'ai appelé le commissariat de Maisons-Alfort, il y a eu un blanc. On m'a dit : "C'est grave, il faut que vous veniez." On m'a fait attendre une demi-heure. Je me disais : "Il a reçu une raclée." Un gardien de la paix a pris la carte Imagine R [carte de transport RATP] de Mickaël en me disant : "Vous reconnaissez ce môme ? Il est décédé cette nuit dans la Marne." Mickaël était sur l'A4 en train de graffer quand il a été surpris par une patrouille de la BAC. Il a traversé les huit voies de l'autoroute pour se réfugier dans les buissons où les policiers l'ont débusqué. Il a tenté de leur échapper en plongeant dans la Marne. Le gardien de la paix m'a dit aussi qu'un policier avait voulu se mettre à l'eau et qu'un supérieur le lui avait interdit par radio.» Le lendemain, Eric Cohen est revenu au commissariat ; il pensait avoir des précisions sur la mort de son fils, mais on l'a interrogé sur la personnalité de Mickaël. «On m'a demandé : "Est-ce qu'il travaillait à l'école ? Etait-il sportif ? Sociable ?"»

Depuis trois ans, les parents de Mickaël ­ «séparés depuis longtemps», dit Eric ­ savent seulement que leur fils a coulé dans la Marne, au lieu-dit le Moulin-Brûlé. Ils n'ont pas obtenu du juge d'instruction la reconstitution des faits et, de non-lieux en appels, ils ont épuisé tous les recours et se tournent désormais vers la justice européenne. Pourtant, «les incohérences ne manquent pas», selon Erik Blondin, gardien de la paix et secrétaire général du Syndicat de la police nationale (SPN), un syndicat groupusculaire mais contestataire qui épaule les Cohen : «C'est une instruction qui a été faite pour salir Mickaël et blanchir la police, qui ne lui a pas porté secours. Les horaires d'intervention ne coïncident pas entre les deux transcriptions des conversations radio. Lors de l'enquête, un caillou trouvé dans la poche de Mickaël est devenu un bout de shit.» Dans son rapport 2005, la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) s'est également demandé, «au regard du délit commis, si la situation requérait la mobilisation d'autant de fonctionnaires de police». Le père de Mickaël n'en démord pas : «La reconstitution nous aurait permis, à sa mère et à moi, de faire la paix intérieure. On aurait vécu ­ mal ­ la scène dans notre tête, mais on aurait eu la paix.» Il voudrait que ce qui est arrivé à Mickaël «ne recommence jamais, que l'encadrement des policiers réagisse différemment» quand l'un d'eux veut se mettre à l'eau pour porter secours à un gamin en danger.

Chez les Cohen, la police était déjà un sujet délicat. «Mon père nous disait de l'éviter», raconte Eric. Le 6 novembre 1942, des fonctionnaires ont raflé la grand-mère paternelle, Rachel, et sa fille Betty. Eric montre une carte postale jaunie oblitérée : «Camp d'internement de Drancy, bureau de la censure, préfecture de police.» Le 8 mai 1942, Rachel Cohen a écrit à la femme qui cachait ses autres enfants à Orthez : «Chère madame, je pars avec ma petite (5 ans) pour une destination inconnue. Je vous prie d'annoncer la nouvelle à mes enfants.» Le 10 mai 1942, elles ont été gazées à Birkenau. Pour Eric Cohen, il y a des «lâchetés», «des silences» de l'Etat français qui se sont répétés dans l'histoire des siens.

Les Cohen sont des Juifs de Salonique. Le grand-père paternel, arrivé dans les années 20, vendait des vêtements sur les marchés. Enfants, Eric et Jean-Marc entendaient parler le ladino, le judéo-espagnol des séfarades. «On n'était pas religieux, mais profondément juifs, dit Eric. On baignait dans l'universalité. Ça vient de mon père, qui répétait : "On est tous humains."»

Eric Cohen a beaucoup écrit après la mort de Mickaël. Notamment à Ségolène Royal, pour qui il a voté aux deux tours de la présidentielle. Il a aussi longuement hésité avant d'adresser un courrier à Nicolas Sarkozy lui signifiant à la fois les interrogations sur la noyade de son fils et son lien de parenté avec le Président : «Ma grand-mère maternelle et votre grand-père maternel étaient cousins germains», affirmait-il dans une lettre datée du 19 février. Nicolas Sarkozy lui a répondu à deux reprises en indiquant qu'il lui était impossible d'intervenir dans une affaire dont la justice était saisie. Mais il ne l'a pas reçu comme l'espérait Eric Cohen : «Dans toutes ses émissions, il dit aux gens : "Venez me voir." Je voulais qu'il me reçoive comme il a reçu les parents des enfants morts à Clichy-sous-Bois. Il ne l'a jamais fait. Ce n'est pas parce que c'est Sarkozy ; ç'aurait été Tartempion, c'était la même chose.»

Vers minuit, Eric Cohen vous raccompagne vers l'entrée de son appartement, avec sa mine de moine-soldat, d'oiseau triste. L'autre fils, Nicolas, 19 ans, n'est pas encore rentré. «On est très liés, mais ce n'est pas facile depuis la mort de Mickaël.» La porte va se refermer quand on découvre sur le panneau de bois un petit moulage en résine de lettres argentées : «ECCO». C'est tout ce qu'il reste de la signature d'un tagueur de 19 ans.

photo Samuel Kirszenbaum

Eric Cohen en 7 dates 18 février 1961 Naissance à Boulogne-Billancourt. Septembre 1978 Premier emploi chez un grossiste en costumes de la rue de Turenne à Paris. 2 mars 1985 Naissance de Mickaël à Issy-les-Moulineaux. 18 janvier 1988 Naissance de son deuxième fils, Nicolas. 10 avril 2004 Mort de Mickaël. 20 juillet 2005 Non-lieu dans l'information judiciaire ouverte après la plainte des Cohen pour non-assistance à personne en danger. Avril 2007 Les parents Cohen saisissent la Cour européenne des droits de l'homme.

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